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puceAvressieux et l’arrestation de Louis Mandrin

Les poilus d'Avressieux - Monument

 

Au milieu du 18ème siècle, Lay-Avrecieux (Avressieux) est un petit village tranquille de l’avant- pays savoyard, non loin de la frontière avec la France, marquée par le cours du Guiers vif. A cette époque les lieux dits et mas (le mas est un ensemble de terres et de bâtiments d’habitation et d’exploitation à vocation agricole) ne portent pas les mêmes noms que de nos jours. En 1756 on compte 290 habitants. La grande majorité de cette population est paysanne. La vie modeste permet la naissance d’une économie transfrontalière plus ou moins légale, où les paysans vendent directement leurs produits, concurrençant de ce fait les négociants français et évitant les taxes prélevées par les fermiers généraux en France. C’est l‘époque de Louis Mandrin Capitaine Général des contrebandiers.

 Tout le monde connait l’histoire de Louis Mandrin et de son arrestation spectaculaire le 11 Mai 1755 par les troupes françaises au château de Rochefort. Cependant peu savent que des apriciens y ont été mêlés bien malgré eux.

Joseph PERRETY est né le 19 Janvier 1704 à Avressieux. Il est le fils d’Antoine né à Avressieux (1646-1744), un riche paysan du village et de PANVIN Claudine née à Chambéry (1671-1741). Joseph vit avec ses parents au bord de l’actuelle route des moulins au lieu-dit appelé à l’époque (cadastre Sarde 1732) Villard Martin (sur les moulins). Il s’agit de l’ancienne maison (certainement modifiée au fil des années) qui est aujourd’hui la propriété de la famille Pinet Gérard.

Joseph est le cinquième d’une famille de 10 enfants (2 garçons et 8 filles). Il se marie en 1737, nous n’avons pas la date exacte mais il existe un contrat de mariage daté et signé du 03/01/1737 chez Maître Bellemin notaire royal à St Genix Sur Guiers, avec Jeanne Marguerite ROYBET. Elle est née le 15/04/1718 à Gerbaix. Elle est fille de Gaspard, châtelain et riche propriétaire de Gerbaix et de Suzanne FRARET. Le couple aura 6 enfants (3 filles et 3 garçons).

Joseph possède quelques terres sur Avressieux et Rochefort. Le 27/10/1750, chez Maître Gillibert notaire royal à St Genix Sur Guiers, il signe un bail d’acensement (affermage) avec le Comte Jean Baptiste Jacques Alexandre de Piolenc de Thoury (Dauphiné-France) président du parlement du Dauphiné et propriétaire du château de Rochefort. Ce contrat est d’une durée de 6 ans. Il permet à Joseph PERRETY d’exploiter les terres du château et d’y vivre contre une rente. Celle-ci, étant annuelle, se compose de 100 Louis d’or neufs, 100 bichets de Froment, 100 bichets d’avoine, 10 bichets de blé noir, 1 cochon et 8 chapons gras et diverses corvées à effectuer au château.

Daniel Bernard âgé de 51 ans est le maître d’école d’Avresssieux en 1755. Il est fils d’Antoine et Angélique Reguis. Il est né vers 1700 à Barret le Bas diocèse de Gap (05). Il est marié à Catherine Plandoux. Il est en Savoie depuis 4 ans et exerce à Avressieux depuis 14 mois. Il est logé dans une ferme appartenant au Seigneur Comte de Mellarède et qui se trouve au lieu-dit Le Morrel (aujourd’hui le Turrel).

Cette ferme est également occupée par Joseph Demeure dit Chapuisat (1718-1784) et sa femme Guillemette Descotes (1716-1784) ainsi que leur servante Marie Cordier.

 Touloux dit Maubert Gaspard né à Avresssieux vers 1702, est fils de Jean. Il possède en autres biens, une grange au Malod (à l’époque Vignes des Carmes) en bordure de l’actuelle route du malod. Il est le fermier du Comte de Mellarède. Nous n’en savons pas plus sur lui.

(cliquer sur l’image)

CARTE 1732-2020

En cette période, Louis Mandrin a ses habitudes au château de Rochefort au retour de ses campagnes en France voisine. Il est ami avec Joseph Perrety et Jeanne marguerite Roybet son épouse. Bon nombre d‘habitants de l’avant-pays savoyard le connaissent et l’apprécient. Mandrin prépare sa prochaine incursion en France. Le 4 mai 1755 il est à Carouge (banlieue actuelle de Genève) pour recevoir une livraison de 25 chevaux. Les 7 et 8 mai il est vu aux foires de Rumilly et Saint Félix. Le 9 mai, vers les 4 heures de l’après-midi, sous la pluie, il arrive avec son camarade St Pierre le cadet au château de Rochefort. Il boite, son cheval lui est tombé sur la jambe durant le trajet.

Informé de cette présence au château, le Colonel De La Morlière, donne l’ordre vers 23h00  le 10 mai 1755, à 500 hommes armés, pour la plupart des volontaires de Flandres (les argoulets) et une petite partie des employés de l´administration des contributions indirectes (fermiers généraux) appelés aussi les gapians, de franchir le Guiers à hauteur d’Avaux (Romagnieu). Ils longent le Palluel puis traversent les champs en culture, et vers 3 heures du matin arrivent au Château de Rochefort. Une partie des hommes foncent dans la chambre occupée par Louis Mandrin et son ami St Pierre Le Cadet et procèdent à leur arrestation. Une autre partie entre dans les appartements occupés par Joseph Perrety et son épouse. Le couple est malmené et Joseph reçoit plusieurs coups de crosse de fusil et il est frappé à la tête avec un bâton. Jeanne Marguerite son épouse et également rudoyée. L’appartement est mis à sac et tout ce qui a de la valeur est dérobé. Tout le château est ravagé. Le Capitaine De Larre partage l’argent dérobé à Joseph et sa femme (147 louis d’or et une petite bourse remplie de doubles Louis d‘or neufs confiée par Louis Mandrin) entre ses hommes. Le malheureux Joseph proteste et le capitaine donne l’ordre de lui tirer un coup de fusil, qui heureusement le manque. Après avoir pillé le château les français repartent en direction de saint Genis d’Aoste (St Genix sur guiers).

Vers 6 heures du matin, arrivant aux abords d’Avressieux par l’actuelle route de la massette, un groupe de ces français rencontre le maître d’école Daniel Bernard qui est dans la cour de la ferme où il loge. Joseph Demeure dit Chapuisat sa femme Guillemette Descotes et leur servante Marie Cordier sont également présents. Une quinzaine d’hommes entrent dans la demeure et pillent tout ce qu’ils trouvent. Ils rouent de coups de pieds le pauvre maître d’école en l’emmenant avec eux. A une centaine de pas de la ferme, l’un des supérieurs demande s’il ne s’agit pas du maître d’école Bernard et sur la réponse affirmative de ses hommes, il demande pourquoi ils ne l’ont pas tué car il s’agit d’un ami de Mandrin. Aussitôt le pauvre homme reçoit une dizaine de coups de baïonnettes. Il est laissé pour mort au milieu du chemin baignant dans son sang. Il est découvert par les nommés Combaz Claude, Joseph Berthet et les frères Maubert tous d’Avressieux. Ils le transportent chez lui sur une civière. Le pauvre homme crache du sang et il est atteint de fièvre. Il reste en vie malgré tout.

Peu de temps après, en descendant vers Sainte Colombe sur le chemin menant à St Génis d’Aoste, la troupe française remarque des paysans groupés devant une grange. Il s’agit de Touloux dit Maubert Gaspard et François Besornet d’Avressieux et de leur ami Joseph Mercier de St Genis d’Aoste. Des soldats les enjoignent de quitter les lieux sous peine de recevoir des coups de fusil. Ils mettent leur menace à exécution et tirent plusieurs coups en direction du groupe d’amis. Touloux dit Maubert Gaspard est sérieusement touché au genou droit. Il a beaucoup de mal à s’enfuir avec ses camarades, mais malgré cette fuite, les français continuent leurs tirs puis partent sur St Genix d’Aoste où ils font beaucoup dégâts et plusieurs morts avant de traverser le Guiers pour rejoindre la France avec leurs prisonniers.

Le lendemain est missionné par la commission du Sénat de Savoie à Chambéry, Noble Pierre Antoine Dichat sénateur au Sénat, pour procéder à une enquête sur les excès commis par des Français tant à Rochefort, Avressieux qu’à St Genis d’Aoste. Cette enquête permet l’indemnisation du préjudice subi par toutes les victimes des français.

Joseph Perrety et son épouse Jeanne Marguerite Roybet perçoivent en tout la somme de 2992 livres 32 sous et 16 deniers soit 33758,24 de nos euros. Daniel Bernard reçoit la somme de 3126 livres et 12 sous, soit 35257,27€. Gaspard Touloux dit Maubert s’est vu attribuer la somme de 60 livres soit 676,59€

Quant à Louis Mandrin et son compagnon St Pierre Le Cadet, ils seront enfermés à la prison de Valence. Louis Mandrin est roué vif le  26 mai 1755 sur la place des clercs de Valence, devant 6 000 curieux. Il aurait enduré son supplice sans une plainte et aurait même demandé qu’on poursuive sa révolte contre le fisc.

L’homme est mort. C’est alors le début de la légende du bandit justicier qui a lutté contre l’iniquité des taxes de l’Ancien régime.

Si Mandrin et sa bande, appliquant leur propre justice, ont indéniablement laissé des victimes derrière eux, ce n’est pas ce qui demeure de la légende. Dans l’imaginaire collectif, il reste aujourd’hui le brigand héroïque, qui vole les riches en défiant gentiment la maréchaussée.

Sources : Archives départementales de Savoie à Chambéry – Mandrin Capitaine général des contrebandiers de France par Frantz Funck-Brentano – Histoire des communes savoyardes tome I de Philippe Paillard avec la collaboration de Michèle Brocard, Lucien Lagier-Bruno, André Palluel-Guillard, Editions Horvath 1982.

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